Matthias Cheval

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et tout semble se calmer...

En/Fr

J’ai commencé à photographier quand j’étais adolescent, et puis j’ai complètement mis ça de côté pour me consacrer à la musique. Avec mes machines, j’ai tenté d’explorer l’étrangeté des sentiments du quotidien, que j’ai toujours eue à cœur. Et puis les choses se sont passées comme elles se sont passées, et j’ai eu besoin de faire une petite pause. Quelque temps plus tard, j’ai repris ce vieil appareil qu’on m’avait acheté quand j’avais 8 ans, et j’y ai mis un rouleau de film noir et blanc que m’avait laissé mon frère, parce que pourquoi pas, juste pour voir. Bercé par la douce lumière du printemps, j’ai commencé à m’exprimer d’une nouvelle manière, simplement en marchant et en regardant. Il y a aussi le timing et le placement, mais ça je l’ai appris plus tard. Et plein d’autres trucs dont je n’ai peut-être pas encore totalement conscience. Le noir et blanc m’a séduit, ça correspondait bien à mon attirance pour l’abstraction, et puis pour son côté artisanal, « do it yourself ». J’ai acheté un bouquin et cherché les infos nécessaires sur internet pour apprendre à développer et tirer mes propres images, en faisant au passage plein d’erreurs, mais c’est mon côté maso. Il y a toujours un vortex qui vous attend quelque part, et quand j’en vois un qui me plait, je saute dedans à pieds joints.

Photographier à Paris m’a d’abord semblé être un challenge. Je venaiths de passer deux mois aux U.S., où tout me semblait digne d’être photographié. À mon retour, je me suis interrogé sur ma capacité à trouver l’inconnu dans un environnement que je connais trop bien et où rien ne semble jamais vraiment changer. Mais faire des images est devenu un besoin. Alors, parfois, je prends mon appareil quand je sors de chez moi. En réalité, on voit très peu d’images du Paris de tous les jours. D’un côté il y a la ville lumière, belle et romantique ; de l’autre la ville violente, des manifs, des bancs de CRctS, des no-go-zones… mais on voit rarement cet endroit stressant et bizarre qui, si l’on se donne la peine de regarder, regorge de petits moments de vie.  Alors je visse un grand angle sur mon appareil et je commence à faire un peu plus attention à cela. Entre la violence du rythme et les moments de calme, fugaces, presque invisibles, c’est là où j’ai choisi de me placer pour faire mes images. Parce que ce type qui se repose sur une poubelle fait écho à ma propre lassitude. Parce que cette lumière qui, à cet endroit et ce moment précis, fait ressortir les ombres des clients sur la devanture du café, me rappelle que l’indicible et subtile beauté du quotidien se retrouve parfois là où on s’y attend le moins. Avant un rendez-vous, en allant retrouver des amis, entre deux crises de nerfs ou bien si on a la chance de juste prendre du temps pour soi, marcher sans but et sans raison, et sourire aux gens qu’on croise parce qu’on ne le fait jamais assez, surtout dans cette ville de fous.

Tout ca ne veut pas dire que j’aime Paris plus qu’avant. Mais j’y ai trouvé un nouvel intérêt, le temps d’un moment, et ça m’a fait grandir. Et même si je ne photographie plus vraiment de cette façon, j’ai gardé beaucoup d’affection pour ces images, parce que j’ai compris que mon intérêt pour les choses peut aller bien au-delà de ce que je crois être intéressant. Et puis aussi parce que derrière le stress, l’angoisse, le flot ininterrompu du faire et des pensées, il y a toujours quelque chose qui mérite notre attention. Tenez, faites l’essai. Prenez le métro et lâchez Instagram deux minutes. Regardez un peu ce qui se passe autour de vous. Là, il y a une femme qui fait des grimaces à son téléphone. A côté, un couple d’Allemands en train d’engueuler leur fils. Qu’est-ce que ce type cherche à cacher derrière cet air d’assurance feinte ? Un peu plus loin, une vieille dame, assise avec son paquet sur les genoux, les traits creusés et le regard perdu… Vous voyez ce que je veux dire ? Pour ma part, j’ai appris à aimer regarder. Ceux qui marchent frénétiquement ou ceux qui s’arrêtent sur un banc, ceux qui semblent à deux doigts de vous crier dessus et ceux qui sont perdus dans leurs pensées, ceux qu’on croise une fois seulement ou ceux qu’on voit régulièrement, un peu comme des monuments du quartier. Parfois, quand je baisse le viseur de mon œil et que les regards se croisent, je lance un sourire et tout semble se calmer.