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Lost in L.A.

Français/English


Je voulais écrire un grand texte sur Los Angeles et sur le tourbillon des émotions qui s’y déversent, mais finalement, j’ai préféré parler de moi. Au fond, c’est tout ce que je peux vraiment faire avec honnêteté. Sinon, j’ai l’impression d’être pompeux et je n’aime pas ça. Et puis, qui suis-je pour parler de cette ville tentaculaire et étrange, des fantasmes qui viennent s’y construire et s’y briser ? Bon, il est est vrai que je suis allé là-bas. C’est un bon début. Des illusions et des désillusions, j’en ai eu aussi. J’étais persuadé que ça se passerait différemment, quelque chose devait avoir changé puisque j’étais là, à ce moment précis, à de nouveau croire vouloir. Mais au fond j’étais surtout en train de flotter, comme je le faisais avant, comme j’ai continué de le faire après. Et puis, ces images ne sont pas ce que je pensais qu’elles seraient. D’abord, il devait y en avoir plus, mais comme je ne suis jamais retourné là-bas et que j’ai dû passer à autre chose, je me suis contenté de ce que j’avais. Ensuite, à force de tout vouloir faire tout seul, j’ai développé des négatifs qui se sont révélés être trop doux pour retranscrire à la chambre noire les contrastes intenses que j’avais vus initialement. Cela dit, aujourd’hui, je préfère ces niveaux de gris. Ils sont peut être plus fidèles à la vision que j’ai gardée de cette période, une sorte de nostalgie douce-amère, avec le sentiment que peut-être, j’en avais pris pour plus que je ne pouvais encaisser.


Parlons un peu des images. Elles m’évoquent la perte de repères, la solitude, la sensation d’être à la fois au coeur de l’action et complètement détaché de ce qui se passe... mais aussi la naissance d’un nouveau regard. Quoi qu’il en soit, ce sont des choses que j’ai croisées sur ma route, et qui ont mérité plus ample inspection que ce qu’elles ont initialement pu montrer.


Il y a trois boucles sonores qui accompagnent ces images. Elles soulignent cette impression étrange qu’on a quand on commence à marcher dans L.A. et qu’on découvre qu’il y a en fait deux villes parallèles, celle des voitures, des palmiers, de la plage et des lunettes de soleil, et celle des trajets de bus interminables, des façades d’immeubles décrépis et abandonnés, des clochards éméchés, seuls habitants de trottoirs autrement déserts... et on se dit qu’avec un peu de malchance et beaucoup d’acharnement, on pourrait, nous aussi, se retrouver là, à dormir sur un banc, à moitié en train de cuire au soleil. Noyé dans l’immensité urbaine, la force des rêves et des images, la sensation latente de l’effondrement, et au fond, un peu perdu à LA.



Images, Texte & Son : Matthias Cheval
Éditions de 6 tirages gélatino-argentiques, exposés à l’Apostrophe (Paris) du 8 Avril au 14 Juin 2023